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Influences Végétales : le déclic par le goût

Syl&Xav

Influences Végétales : le déclic par le goût

Comment provoquer un passage vers une alimentation végétale de qualité ? BeVeggie a rencontré Sylvie Deschampheleire et Xavier Anciaux, les fondateurs d’Influences Végétales. Cette asbl active depuis mai 2013 organise des tables végétales, moments de rencontre et de dégustation entre curieux, végétaR/Liens ou pas. Le couple fait découvrir 1001 saveurs végétales, toujours à base de produits locaux, bio et de saison. Au village, Xavier est d’ailleurs maraîcher à l’ancienne, avec son cheval BiLi. Loin d’être apolitique, la démarchedes Influences Végétales sème des graines dans l’inconscient de chacun. Oui, on peut se nourrir principalement ou exclusivement de végétal, c’est sain, délicieux et accessible !

« J’ai surtout parlé avec beaucoup de gens de leur mode de vie, ce qui me ramenait toujours à des questions liées à l’alimentation. »

 

Les prémices

A – Quel est votre parcours ? Comment en êtes-vous arrivés à promouvoir la cuisine végétale ?

S – C’est une synergie entre Xavier et moi. Au départ, je suis architecte d’intérieur et scénographe et j’ai travaillé là dedans pendant 15 ans. En étant enceinte de mon premier enfant, qui a maintenant 15 ans, j’ai commencé à lire sur la prévention santé. Des façons de maintenir la santé plutôt que de guérir des maladies, que j’ai appliquées dans la famille avec des résultats positifs. Ensuite, j’ai travaillé avec une société active dans les compléments Brunch Fernelalimentaires et j’ai encore appris plein de choses. J’ai surtout parlé avec beaucoup de gens de leur mode de vie, ce qui me ramenait toujours à des questions liées à l’alimentation.

Xavier était plus branché écologie, et quand on a vécu ensemble il y a maintenant 6 ans, on s’est dit qu’on allait proposer des tables d’hôtes pour répondre à la demande. On en a proposé mensuellement et ça n’a pas désempli. Cette orientation vers le végétal de qualité, en lien avec la prévention santé et l’écologie, c’est la base de développement de l’asbl.

X- Je n’étais pas végétarien du tout au départ, j’avais fait des tentatives. Mais avec Sylvie on y a tendu assez rapidement. Puis c’est en lisant un bouquin, « Faut-il manger les animaux ? » de Jonathan Safran Foer, que je n’ai plus mangé de viande du jour au lendemain. Ça a pris de l’ampleur chez nous et a suscité l’intérêt de nos voisins, notre famille, nos amis, d’où les tables végétales.

L’ensemble du monde végétal peut nous nourrir

S – Je mange comme ça depuis très longtemps. C’est le niveau d’énergie qui est important et lié à l’alimentation végétale : on encombre moins le corps de substances difficiles à digérer. Ce n’est pas parce que le corps humain est capable de digérer la viande que c’est porteur d’énergie. (…) Il y a aussi la dimension de l’écologie, de la biosphère, du bien-être animal : ton bien-être ne dépend plus de tuer les êtres vivants.

A – Quels sont les grands principes de l’alimentation végétale selon vous ?

« Quand on a le régime qu’on a, on devient de plus en plus sobre, mais c’est très agréable. La sobriété heureuse. »

 

S – Il faut manger varié, vivant et bio. Du végétal de qualité, qui suit les saisons, qui n’est pas abîmé par les modes de cuisson comme le micro-ondes par exemple. C’est aussi l’ensemble du monde végétal qui amène ce dont on a besoin. Il n’y a pas que les légumes, il y a aussi les noix, graines, huiles, algues, fruits secs, herbes sauvages, … Nous ne disons pas que tout le monde doit manger comme ça, nous conseillons d’expérimenter et de voir les résultats.

X – Tester est le plus important. Quand j’ai arrêté la viande pour l’écologie, je ne me suis pas promis d’être végétarien, mais je me suis promis d’essayer. Puis j’ai perdu du poids, j’ai eu moins de problèmes de peau, j’ai aussi vu que l’énergie était là. J’étais plus en forme, parce que ça me convient. En tant que travailleur physique, je me sens bien plus en forme depuis que je mange cru, avec moins de matières grasses.

S – On mange le « Miam-Ô-Fruit » de France Guillain, un petit déjeuner cru basé sur les fruits, les graines et les oléagineux. Ça prend du temps pour mâcher et la satiété arrive très vite, donc on n’a plus besoin de manger autant. C’est aussi ça l’alimentation végétale : avoir conscience de ce que l’on mange. Du coup, on n’a plus besoin de se sentir lourd pour sentir qu’on a « bien mangé ».

X – Je pense que je suis à un moment de ma vie où je suis le plus actif, physiquement, intellectuellement et la nourriture ne me fait pas défaut. Quand on a le régime qu’on a, on devient de plus en plus sobre, mais c’est très agréable. La sobriété heureuse. En plus, Sylvie est très créative dans sa cuisine. On a découvert des choses avec du goût. L’alimentation végétale n’est pas chère et est savoureuse. Avant, je ne voyais pas comment cuisiner les légumes sauf à l’eau, mais ce n’est pas bon. Ici, c’est poêlé, cru, cuit, … On ne cuisine jamais les légumes à l’eau !

Végétaplus : la démarche intellectuelle

A – Pouvez-vous expliquer le concept des tables végétales ?

S- On se dit « végétaplus » et on parle de tables végétales. Le régime végétarien exclut les produits d’origine animale, mais n’est pas forcément garant de santé. Il y a des végétariens qui font n’importe quoi d’un point de vue alimentaire, on ne mange pas forcément beaucoup de fruits et de légumes parce qu’on est végétarien. Tout ce qui est industriel ne nous intéresse pas et on ne veut pas soutenir l’industrie, les produits transformés, les pratiques qui ne sont pas positives pour l’homme et l’environnement. Je pense aux margarines avec de l’huile hydrogénée, aux fausses viandes.

A – Comment vous positionnez-vous par rapport aux questions de société qui amènent les gens à devenir végétariens (élevage intensif, maladies de société, respect de l’environnement…) ?

S – Le point commun, c’est la prise de conscience. Chacun ira jusque là où il peut aller. Déclencher la prise de conscience du lien entre l’alimentation, le monde, le rapport aux animaux autrement que comme de la nourriture, ça les projette dans une autre vision du monde et ça nous intéresse.

X – J’ai eu une approche qui venait de l’environnement. Si je mange de la fausse viande, ou des protéines à partir de soja qui dévaste la forêt amazonienne, ça n’a pas de sens. Ma consommation engendre toujours une certaine pollution. Après, j’ai voulu produire mes propres légumes pour pousser la démarche jusqu’au bout [Ndlr : Les Jardins d’OO – www.ooexperience.be]. On a inventé un mot : biopositif. C’est être positif pour la biosphère, prendre soin de la planète notamment en mangeant des végétaux. C’est l’objectif de notre asbl.

Les tables végétales, un outil de déclic

« On ne dit pas le mot « végétarien » pour ne pas exclure. »

A – Comment expliquez-vous le succès des tables végétales qui ne désemplissent pas ? Qui sont les gens qui y viennent ?

X – [A propos du succès rencontré] C’est complet pour l’instant. C’est par le bouche-à-oreille et on voit aussi un mouvement d’orientation vers la biosphère. On est trop gros, on n’est pas bien, on est en burn-out. Il faut changer quelque chose…

[A propos des participant-e-s] Ce sont des gens qui sont en questionnement. Ils peuvent poser leurs questions, les autres participants ou nous-mêmes pouvons parfois donner des réponses, parfois pas. C’est convivial, c’est un échange et la partie d’une réponse concrète. Par exemple, un jeune qui veut convaincre ses parents de manger végétarien, les membres d’une famille qui veulent devenir maraîchers, des personnes plus âgées qui n’aiment plus tellement la viande et qui veulent voir comment on mange végétarien. Mais on ne dit pas le mot « végétarien » pour ne pas exclure.

S – L’objectif, c’est une expérience physique. Ce n’est que du végétal. Il n’y a pas d’œuf, juste un peu de beurre au lait cru pour le pain si on veut, quasi pas de gluten. On se concentre sur une partie de l’assiette qui est mal connue et préparée, qui manque de diversité et de goût. On mange 20 à 30 végétaux différents par soirée, sous tous les aspects (cru, cuit, chaud, froid,  …). Au final, [les participants ont vu que] c’était bon, on n’a plus faim, ce n’était pas compliqué à faire, on ne se sent pas lourd, il y a plein de goûts surprenants, c’était beau… Autour de la table, les gens posent les mêmes questions et ça leur permet de sortir de leur isolement, d’avancer concrètement.

On fait des plats assez simples pour que les gens puissent les refaire chez eux, avec des produits basiques. C’est une cuisine familiale. On sait aussi montrer qu’il y a du goût qui envahit la bouche. Par contre, on ne pense pas du tout qu’il faut remplacer la viande. On n’est pas dans une situation de famine ici. On peut très bien vivre avec quelques ingrédients, quelques fruits, du riz, … À l’époque où on a lancé l’industrie [de l’élevage intensif], les gens mourraient de faim. On a été créatif. Mais aujourd’hui,

 il faut le redevenir : la solution d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui.

A – Quels sont les retours d’expérience des tables végétales ?

S – On a plein de gens qui shiftent ! Comme j’ai énormément parlé aux gens pendant une dizaine d’années, j’ai vu la difficulté pour les gens de changer leur mode de vie. C’est pourquoi on a développé les tables végétales. Comme si ça leur donnait l’occasion de passer plus à l’acte.

X – Ils ne shiftent pas tous complètement. Parfois vers le bio, vers le moins de viande, le plus de viande du tout, mais on a aussi des gens qui sont devenus véganes. Les gens viennent voir [comment on cuisine] et le refont chez eux, à leur dimension. Un peu comme quand tu fais un bricolage sans jamais le réussir, quelqu’un te montre et tu repars chez toi en sachant le faire.

A – Vous donnez aussi des formations dans les écoles et les communes. Comment approchez-vous ces publics ?

S – On développe [les tables végétales] avec les cantines dans les écoles. Actuellement, on propose un menu « végétaplus » une fois par mois. C’est pour découvrir de nouveaux goûts. Pendant le mois, on peut faire des menus du monde, avec des recettes basées sur le végétal. Plutôt que de mettre l’accent sur le végétal, on met l’accent sur les cuisines du monde. C’est plus accessible et les gens, sur base de leur propre expérience, valident le fait que ça fonctionne.

X – Ce sont des gens qui viennent à nous. Des gens qui sont venus manger ici, qui en parlent au comité de parents, etc. On pense que le monde change, mais pas par les institutions. C’est le citoyen qui amène le changement. On sait que les politiques vont avoir des réclamations si on diminue la part de viande dans les cantines.

Le politique est dans l’assiette

A – Voyez-vous une évolution dans la société par rapport à l’alimentation végétale ? Vous avez un positionnement qui n’a pas l’air politique, mais qui l’est de manière détournée. Quels arguments décident les gens à passer le cap, selon vous ?

S – Le libre choix. Aujourd’hui, dans les médias, les gens sont informés mais ils ne passent pas nécessairement à l’action. Ce qui fait qu’ils passent à l’action, c’est notamment la citoyenneté, ce qu’on a envie de donner à nos enfants comme héritage alimentaire – pas des pizzas surgelées et du coca –  et revenir aux besoins physiologiques de base.

Quand on voit que les gens mettent 700€ pour un smartphone et se nourrissent de trucs dégueulasses parce qu’ils n’ont pas de sous, c’est une situation de crise. Les valeurs se sont déplacées à tel point que prendre soin de soi n’a pas de valeur. Mais quand les gens viennent sur la terre, cueillir leurs légumes comme on l’a fait pendant des milliers d’années, ils se reconnectent à des choses essentielles qui leur permettent de faire des choix différents. La personne qui commence à apprécier des légumes de qualité va peut être s’acheter un smartphone moins cher pour mettre plus de budget dans son alimentation, chose qu’elle n’aurait pas faite avant.

X – C’est le test. Les gens vont refaire un acte, aller sur le terrain, ramasser ce qu’ils vont manger. Mais surtout, c’est le goût. Il faut arrêter de penser qu’une alimentation sans viande est une alimentation sans goût. On propose d’ouvrir la porte vers une autre culture d’alimentation à travers le goût. On amène les gens dans quelque chose de positif : « Mange plus de légumes, c’est bon pour ta santé et l’environnement ».

S – Les gens ont perdu confiance aussi. Or, la partie végétale de son assiette – non transformée – est beaucoup plus contrôlable que le reste.

A – Quels sont selon vous les écueils qui font que les gens ne passent pas le cap ?

S – Nous avons besoin de patience, tous les changements de société ne se font pas en deux secondes. Ce sera pareil avec le végétal de qualité : quand une idée est prête, elle s’impose.

X – C’est aussi parce qu’il y a eu une militance. Ce sont les militants qui mettent le thème à l’ordre du jour de la société. Après, les institutions se mettent en route. Maintenant, notre alimentation industrielle est clairement remise en cause car c’est ça qui pose problème. Ça change parce qu’on a des militants, des journalistes qui écrivent des papiers, qui vont filmer les abattoirs. Les gens se disent : « Merde, on participe à ça ! ». Les politiques écoutent ce que les électeurs disent, mais ils sont bloqués par la grosse industrie. Le changement se fera quand la pression citoyenne sera suffisamment forte. Nous, on reste dans le concret car quand on sort du concret, on se fatigue beaucoup [pour peu de résultats]. Mais la rapidité du changement est encore trop faible.

S – On connait l’image du vase qui se remplit et qui à un moment bascule, et ça correspond à environ 7% de la population. Donc on ne doit pas convaincre tout le monde !

Pour en savoir plus sur l’asbl Influences Végétales, consultez www.influences-vegetales.eu.

Propos recueillis par Anicée Salvador.

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